Raphaël Jacquelin
Raphaël Jacquelin

C'était la dernière partie de Raphaël Jacquelin

L'histoire d'une vie, l'histoire d'une carrière, pouvait se lire dans les paires d'yeux scrutant le green du 18 du Golf National. Vendredi 22 septembre, à son 25e Open de France, Raphaël Jacquelin disputait le dernier de ses 681 tournois sur le DP World Tour, entouré de sa femme, ses quatre enfants et ses amis Nicolas Colsaerts et Grégory Havret. Le quadruple vainqueur sur le Tour replonge dans l'émotion de ce moment unique.

Vous êtes arrivé sur le green du 18 avec vos amis, vos enfants et votre femme Fanny comme caddie. Qu'avez-vous ressenti sur ce dernier putt ?

« Ce dernier trou était dur à jouer. Dès que ma femme a pris le sac, au départ du 18, je me suis demandé comment j'allais arriver au bout et passer cet obstacle du 18. J'ai mis une balle dans l'eau, d'ailleurs. Il y avait tellement d'émotions que j'en ai perdu mes jambes. Mais ça restera mon plus beau souvenir sur le Tour. Plus que les victoires, plus que tout. Je crois que tout était réuni, ces 25 ans de carrière, la famille, l'équipe, les proches, joueurs et caddies... Tout le monde était là, voilà pourquoi c'était autant d'émotions et aussi difficile de finir. J'ai fini le vendredi, pas en position proche du leaderboard comme je l'ai connu ici en 2012 quand j'ai fini troisième. Cette année-là, il y avait plus de pression sur le jeu mais tellement moins d'émotions. C'est pour ça que c'était plus fort que tout, un moment fantastique.

Partager la dernière partie avec Nicolas Colsaerts et Grégory Havret, deux amis de longue date, ça donne des frissons supplémentaires ?

Le Tour a très, très bien fait les choses. Quand on a vu le draw et qu'on nous a mis ensemble pour ma dernière, c'était la cerise sur le gâteau. On est tellement proches depuis toutes ses années, j'ai vu Nicolas et Greg arriver, c'était super de finir avec eux. Ils ont été adorables, ont laissé Fanny prendre le sac alors que Nicolas était dans le coup et avait tout pour jouer le week-end. Mais il m'a dit : « Ne t'inquiète pas, il y a des choses plus importantes que jouer un week- end. Ça ne changera pas ma vie, à toi de profiter de ces moments avec ta famille ». C'était adorable. On s'est bien amusés pendant 36 trous. Plaisir : c'est le mot que je retiendrai de ces deux journées.

Avez-vous reçu des messages d'autres joueurs ?

Plein. La plupart des joueurs sont venus me voir, en tout cas ceux qui me connaissent. Pour les plus jeunes, c'est plus difficile. Il y a tellement d'écarts de générations dans notre sport, ce qui le rend incroyable aussi. Plein de joueurs sont venus me voir en me félicitant pour ma longévité. C'était une semaine spéciale, émouvante, et à la fois un moment à vivre. Je suis très content de l'avoir vécu. Ça montre que je suis resté là pendant plus de 25 ans (rires).

Votre femme était en sanglots, Nicolas Colsaerts très ému, au bord des larmes... Ça vous a touché de voir que l'émotion était partagée ?

J'étais ému et, pour eux, je l'avais vu au départ du 18. Ils applaudissaient, ils avaient le sourire, mais il y avait de l'émotion. On a passé tellement de temps ensemble, de 25 à 30 semaines sur le Tour par an, depuis une vingtaine d'années... ça commence à faire ! On a vécu plein de choses, il y a plein de souvenirs qui remontent. On a fait une belle soirée, ils m'ont fait une belle surprise, je n'étais pas au courant du tout. J'avais envie qu'on se réunisse mais ils ont organisé ça bien mieux que je ne l'aurais prévu. Ça permet de se retrouver. On se retrouvera pour Greg, on se retrouvera pour Nico, on se retrouvera pour d'autres, en tout cas moi je serai là.

Alors que tout le monde était au bord des larmes, vous sembliez plus impassible...

C'était bien là, mais ça ne s'est pas trop vu parce que le pire c'était sur le fairway du 18 et j'étais tout seul avec ma balle. J'avais du mal à jouer, réellement. Je voyais du monde derrière, je savais plus ou moins qui allait être là. C'était le dernier trou, les derniers coups, c'est là que j'étais le plus touché. Après... Une fois que la balle était passée de l'autre côté, je n'avais plus rien à faire. Le plus dur, c'était de passer l'eau. J'ai dû m'y prendre à deux fois. Ce n'est pas grave mais je reste joueur de golf et compétiteur, j'avais envie de faire un bon coup, mais ce n'était pas possible.

En fin de carrière, vous avez souvent pensé à ce dernier tournoi, à la dernière partie, au dernier « au revoir » ? Est-ce que le moment s'est déroulé comme vous l'aviez imaginé ?

En tout cas, la partie s'est déroulée comme je l'avais imaginée. Avec un départ du 10, jeudi matin à 8h, très difficile. Avec de l'émotion et des conditions qui rendaient le coup encore plus dur. Ça, c'était bien prévu et ça s'est passé comme prévu. Cela dit, j'ai fait un bon coup ! Il y avait aussi le départ du 1 du vendredi, 13h, avec plus de monde, des photos souvenirs, des proches que je ne m'attendais pas à voir... C'était encore plus compliqué. J'ai presque eu les larmes. Mais, à 13h02, il fallait taper le coup et c'était un coup difficile à jouer. J'ai tout fait pour faire un très bon drive, et j'ai fait un très bon drive ! J'étais content de l'avoir fait. Derrière, j'ai pu jouer très relâché, dès le deuxième coup.

« J'aurais aimé performer encore à Paris, mais que ça finisse vendredi ou dimanche ne change rien pour moi. Le plus important était de vivre ce moment et ça restera quoi qu'il arrive le plus beau moment de ma carrière. »

Raphaël Jacquelin

Bizarrement, les émotions montent vite et retombent assez vite aussi. J'ai fait un bon coup dès le 1, j'ai enchaîné quelques bons coups et quelques birdies. Bon, ça n'a pas duré mais ça m'a permis de prendre du plaisir sur le début. J'aurais aimé performer encore à Paris, mais que ça finisse vendredi ou dimanche ne change rien pour moi. Le plus important était de vivre ce moment et ça restera quoi qu'il arrive le plus beau moment de ma carrière. »