« Il y a un destin et on ne peut pas le battre », entendait en boucle Inès Laklalech avant son play-off au Lacoste Ladies Open de France. Afin de laisser la joueuse marocaine dans les meilleures dispositions, Ali Berdai, mari et caddy de, lui partageait ses bons conseils, pour éviter aussi de trop penser à la victoire ou d'avoir les bras qui tremblent face à la pression de la page sur le point de s'écrire. « Tout ce qu'on peut faire, c'est se concentrer sur ce qu'on sait faire, un swing de golf avec un bon rythme. Si c'est écrit qu'on doit gagner, on gagnera. Si ce n'est pas écrit, on ne gagnera pas cette fois », dédramatisait-il. Et en ce samedi 17 septembre, face à Meghan MacLaren, dès le premier trou de barrage, c'était écrit. La native de Washington DC empochait ainsi son premier titre sur le LET, quelques semaines après s'être crispée au Skaftö Open où elle était en tête à neuf trous de la fin.
Dans la vie d'Inès Laklalech, le destin a souvent bien fait les choses, probablement épaulé par son voisin le hasard. Car, déjà, la Casablancaise n'était pas forcément promise au golf. « Elle n'avait jamais entendu parler de golf. Mais à ses 10 ans, sa famille a emménagé à côté d'un parcours. Son père est allé essayer, elle était intriguée et elle l'a suivi », raconte son mari. Très vite, la petite balle blanche est devenue passion et la Marocaine talentueuse. À 12 ans, elle rentre dans l'équipe nationale et dispute les plus grandes compétitions : championnats panarabes, championnats d'Afrique et le Women's Amateurs Championship. Depuis son plus jeune âge donc, la golfeuse embrasse fièrement les couleurs de son pays. « Elle est très patriotique, le Maroc est très important pour elle. Il n'y a pas un tournoi où elle n'a pas le drapeau du Maroc dans son sac de golf. Au cas où », confie Ali Berdai. Un étendard que la joueuse de 24 ans a pu étrenner à Deauville pour fêter le premier titre d'une Marocaine - et plus largement d'une Arabe et d'une Maghrébine - sur le circuit européen.
Une pause de 3 ans
Mais avant que la jeune femme n'intègre le LET et en écrive l'histoire, la plume du hasard avait encore laissé couler de l'encre dans sa vie. Après son baccalauréat, Inès Laklalech part pour une année universitaire en sport-études à Wake Forrest (Caroline du Nord) avant de finir ses études de business à Londres. « Elle ne s'est pas vraiment adaptée au système américain. Il fallait faire trop de compromis, donc elle a arrêté le golf pendant trois ans », dévoile son caddy. En rentrant au Maroc, elle rencontre le directeur technique de la fédération de golf. Ensemble, ils vont taper des balles. « Comment ça se fait que t'as arrêté le golf ? Ce n'est pas possible, tu peux devenir une championne », s'étonne le fédéral. Dans la foulée, la Casablancaise dépoussière son sac, reprend ses clubs et retourne sur les practices. Et encore une fois, tout s'enchaîne très vite. Du premier coup, celle qui a débuté au Royal Golf d'Anfa obtient son accès pour le LET et manque de peu les cartes américaines. Cette année, elle retente de se qualifier pour le LPGA et disputera la deuxième étape mi-octobre à Venice (Floride).
Une épreuve que la championne du Lacoste Ladies Open 2022 pourra aborder dans les meilleures conditions après une belle première année sur le LET. « Elle est rookie mais elle s'est fixé des objectifs assez ambitieux. Ces objectifs étaient d'intégrer le top 200 mondial, d'avoir au moins une victoire sur le LET et d'intégrer le LPGA. Là, elle est aux portes des 200 et elle tient sa victoire. Ça lui montre que même s'ils sont ambitieux, les objectifs sont atteignables. Ça lui donne un boost de confiance pour la suite. Et le fait de savoir que c'est possible, c'est déjà énorme », se satisfait Ali Berdai. De quoi s'imaginer sur les plus grandes scènes du monde. « Mon rêve, c'est de participer aux jeux Olympiques, d'emboîter le pas à Maha Haddioui qui était à Rio et à Tokyo », affiche la 14e joueuse à la Race to Costa del Sol. Travailleuse, appliquée et ambitieuse, la femme aux désormais cinq tops 10 sur le LET ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Inès Laklalech, la tête et le golf pour devenir une nouvelle tête couronnée au Maroc.