Meriem Salmi affirme qu'il y a un grand travail à faire sur la psychologie des sportifs français. (J.Faure/L'Équipe)
Meriem Salmi affirme qu'il y a un grand travail à faire sur la psychologie des sportifs français. (J.Faure/L'Équipe)

Meriem Salmi (psychologue travaillant avec des golfeurs) : « La performance, c'est le résultat d'une harmonie »

La psychologue Meriem Salmi est l'une des clés de l'insolente réussite du judoka Teddy Riner. Mais elle travaille aussi aux côtés de Lorenzo-Vera, Hébert et Langasque, tous en progrès. Tout sauf un hasard.

« Comment devient-on psychologue de golfeurs ?
C'est Mike Lorenzo-Vera qui est venu me voir le premier en 2016, puis sont venus Benjamin Hébert et Romain Langasque l'année suivante. Mike m'a demandé de l'accompagner sur des tournois, j'ai observé, je me suis documentée, j'ai regardé des vidéos, j'avais besoin de comprendre le golf, le mouvement, l'effort psychologique fourni dans ces moments-là. Les premières fois, je ne voyais même pas la balle (rires) ! Et je me perdais sur les parcours... Et puis j'ai appris, grâce aux golfeurs, aux membres du staff.

En quoi consiste votre travail à leur côté ?
Mon travail ressemble à celui des paysans. On laboure, on met des graines, ça pousse un peu plus là que là, en fonction d'éléments que l'on ne maîtrise pas (le soleil, la pluie...) Il faut reprendre et refaire... Dans le golf, même quand on maîtrise la technique, ça ne fait pas gagner. Il y a d'autres éléments qui entrent en jeu.

Lesquels ?
Nous, Français, sommes extrêmement forts techniquement et dans tous les sports. En revanche, sur le plan psychologique, nous sommes très en retard. Ces golfeurs ont tous du talent, mais quand on arrive au très haut niveau, c'est largement insuffisant. Pour moi, la performance c'est le résultat d'une harmonie. Si on n'est pas bien dans sa vie privée, s'il y a des dysfonctionnements, il n'y a pas de place pour performer. Il n'y a pas Mike (Lorenzo-Vera) à l'école, Mike dans sa vie privée et Mike golfeur, non, c'est la même personne. Donc il faut s'occuper de l'être humain dans sa globalité.

Ils sont capables de gagner non pas un mais plusieurs grands tournois

Votre champ d'intervention est donc plus vaste que de simples échanges...
On ne naît pas athlète de très haut niveau, on le devient par une série de transformations physiques, physiologiques et psychologiques. Il faut intervenir à tous les niveaux. Par exemple, quand je suis venue sur mon premier tournoi de golf, et que j'ai vu les joueurs français rester jusqu'à 3 heures sur un practice avant une compétition, je me suis interrogée sur leurs capacités à tenir quatre jours à ce rythme-là. Pour moi, on ne s'entraîne pas en compétition, on s'échauffe, on cherche ses repères, on fait sa reconnaissance... On se focalise sur le résultat, mais le résultat n'est qu'une conséquence. Le focus doit être porté sur : "Comment je fais pour obtenir un très bon résultat". Et plus on approche du très haut niveau, plus ça va être compliqué...

Les trois golfeurs dont vous vous occupez ont franchi un cap en 2019...
(Elle coupe.) Mais vous avez vu le temps qu'il a fallu pour construire ça ? Et encore, on n'a rien gagné ! Psychologue, c'est un adjectif en français. Donc, tout le monde est psychologue. On donne des clés, des conseils, mais mon travail, ce n'est pas ça. C'est laborieux, il faut s'engager, s'investir chaque semaine. Comment a tenu ta concentration ? Que s'est-il passé dans ta vie privée ? Y a-t-il eu un événement qui a expliqué telle situation ? C'est du travail, du travail, du travail. Le cerveau est un organe puissant. Quand il a collecté des données fausses, il faut tout déconnecter et recréer autre chose. Il faut identifier, analyser, réfléchir et mettre en place des stratégies. Et être très précis dans toutes ces étapes, sinon tout sera faux.

Que manque-t-il encore à vos golfeurs pour gagner ?
Beaucoup de travail. Ils sont capables de gagner non pas un mais plusieurs grands tournois. Mon travail, c'est de les préparer à ça, pas juste à remporter une victoire, hein... Non. Rester là-haut. C'est pour ça qu'on a beaucoup de boulot. Bien sûr qu'un jour ça va tomber et qu'ils vont gagner ! Mais gagner une fois, ce n'est pas intéressant. Il faut ensuite rester au très haut niveau. Ils travaillent dur pour ça. Ils sont en train de construire leur rêve et je suis là pour les y accompagner au mieux que je peux. »