À 44 ans Paul Casey est l'un des rares quadragénaires à demeurer dans le top 50 mondial. (Porsche)
À 44 ans Paul Casey est l'un des rares quadragénaires à demeurer dans le top 50 mondial. (Porsche)

Paul Casey : « On me rabâchait que le golf est un jeu d'expérience »

Il fait partie des rares quadragénaires encore présents dans le top 50 mondial. À 44 ans, Paul Casey fait presque office de dinosaure dans une élite toujours plus juvénile. L'Anglais porte un regard plein de sagesse et d'admiration sur cette nouvelle génération de gamins toujours plus pressés.

Avez-vous le sentiment de devenir une rareté, vous le quarantenaire toujours membre du top 50 mondial ?

Paul Casey : « (Il sourit de toutes ses dents) Nous ne sommes que quatre ou cinq dans la quarantaine ou très proche à faire partie du top 50 mondial... Donc clairement oui, nous devenons une espèce rare avec Phil (Mickelson), Adam (Scott) ou Justin (Rose).

Comment expliquez-vous que des joueurs de votre génération n'aient pas explosé bien plus jeune au plus haut niveau mondial ?

P. C. : Quand j'ai commencé à bien jouer au golf, on m'a toujours dit que j'atteindrais une certaine forme de maturité aux alentours de 30 ans. On me rabâchait que le golf est un jeu d'expérience, qu'il fallait faire ses classes avant de pouvoir prétendre au très haut niveau mondial. Quelque part, cette croyance était ancrée en moi lorsque je suis arrivé sur le Tour. J'avais 23 ans, je n'avais jamais joué le moindre tournoi pro. J'avais bien sûr participé aux plus prestigieuses compétitions amateures, j'étais le meilleur joueur de fac US à l'époque, mais je n'avais aucune idée de ce qu'un tournoi pro était... En arrivant sur le Tour, j'ouvrais de grands yeux, j'étais complètement déboussolé. J'étais très nerveux, je ne savais trop comment faire. J'ai eu la chance de m'adapter assez vite à ce tout nouveau monde et d'enregistrer de bons résultats lors de ma première saison en Europe. Mais cette croyance que l'expérience allait venir avec les années de Tour était bien là. Il fallait apprendre à la dure.

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Estimez-vous que les frontières entre les mondes amateur et pro sont désormais plus minces ?

P. C. : Quand j'étais à la fac, le discours était : "Le golf sur le Tour, ce n'est pas du tout le même jeu." Pire encore, je me rappelle que des instances comme l'English Golf Union ou le R & A cherchaient à nous garder amateurs le plus longtemps possible. C'est totalement différent aujourd'hui car la dynamique de très jeunes joueurs d'à peine 18 ans est d'évoluer deux ans en fac et de très vite passer pro. La frontière entre les mondes amateur et pro est bien plus fine, bien plus perméable, il n'y a aucun doute là-dessus. La plupart de ces jeunes ont d'ailleurs énormément de connexions auprès de joueurs du Tour dès leur plus jeune âge.

Ces jeunes ont une capacité à être à la fois très matures et très gamins en même temps. Et je ne comprends pas comment ils y parviennent...

Paul Casey

Qu'est-ce qui vous impressionne le plus chez ces très jeunes champions qui dominent le monde ?

P. C. : Ce qui me scie, c'est qu'ils sont tous parfaitement équipés pour évoluer dans ces hautes sphères. Physiquement, ils sont irréprochables, mentalement et émotionnellement, ils n'ont pas de failles. Ils ont une forme de maturité bluffante... (il prend le temps de la réflexion) Nous avions besoin de temps et surtout d'expérience pour atteindre ce niveau de confort. Il fallait des années... On devait se prouver à de multiples reprises qu'on pouvait répondre à telle ou telle situation de stress, telle ou telle situation de jeu, etc. Ensuite, à partir de toutes ces expériences, on se disait : "O.K., c'est comme ça que je dois réagir, c'est comme ça que je peux être face à tel moment de pression, je peux le reproduire." Le truc, c'est que ces gamins sautent les étapes sans vergogne ! Et le pire de tout, c'est qu'ils sont en plus ultra-attachants.

Paul Casey a pris part à la dernière Ryder Cup aux côtés de Viktor Hovland notamment. (Porsche)
Paul Casey a pris part à la dernière Ryder Cup aux côtés de Viktor Hovland notamment. (Porsche)

Viktor Hovland, par exemple, n'arrête pas de raconter des blagues, il n'hésite pas à me chahuter sur les départs, on le sent ultra à l'aise. Collin Morikawa, c'est la même chose. Ils sont totalement dans leur élément et ils s'y amusent en plus... Je crois que c'est ça le plus marquant : ces jeunes ont une capacité à être à la fois très matures et très gamins en même temps. Et je ne comprends pas comment ils y parviennent... J'avais plus de 30 ans quand j'ai atteint ma meilleure place au classement mondial (3e en mai 2009, à 32 ans). Voir des jeunes de 23-24 ans au sommet du classement mondial après seulement deux ou trois saisons sur le Tour, ça me laisse clairement sans voix.

Pourtant à votre époque aussi de très jeunes joueurs ont réussi à gravir rapidement les échelons...

P. C. : Oui, bien sûr. Mais aujourd'hui, il n'y a pas un ou deux joueurs complètement hors norme comme ça a pu être le cas avec Phil Mickelson qui s'est imposé sur le PGA Tour alors qu'il était encore amateur. Quelque part, Phil était une anomalie comme a pu l'être Sergio (Garcia). Prenez Justin Rose, qui termine sa carrière amateure au British Open de manière brillante, qui passe pro et manque 22 cuts de suite... C'est d'autant plus remarquable qu'il ait eu une telle carrière par la suite, parce que clairement ses débuts n'étaient pas du tout bons. Il a galéré. J'ai l'impression qu'on ne voit plus ce genre de choses arriver chez les meilleurs amateurs aujourd'hui. Aujourd'hui, la norme, c'est de voir de très jeunes joueurs débarquer et gagner au plus haut niveau tout de suite.

Quel est l'impact de la filière fac US sur cette jeunesse conquérante ?

P. C. : J'ai appartenu à l'équipe d'Arizona State. J'y retourne régulièrement pour jouer et m'entraîner avec les jeunes de la fac. Je sais que Jon Rahm ou Chez Reavie, qui y sont aussi passés, font pareil. Vous imaginez la chance qu'ont ces jeunes de pouvoir côtoyer un n° 1 mondial comme Jon, des joueurs de Ryder Cup, qui ont un vécu pro déjà immense. Je crois que le seul pro que j'aie eu la chance de rencontrer quand j'étais amateur, c'était Brett Ogle (un pro australien)... C'est fondamental que ces jeunes amateurs côtoient très tôt et de très près les meilleurs mondiaux. Ils voient leur attitude, se nourrissent de leur manière de s'entraîner, de leur façon d'aborder les trous, de leur façon de gérer les échecs, etc.

Du coup, est-ce plus difficile de s'imposer sur le Tour aujourd'hui face à tous ces jeunes ?

P. C. : C'est de plus en plus compliqué c'est certain, mais j'essaie de ne pas trop y penser (sourire). Quelque part, je trouve le challenge génial. Me dire qu'à 44 ans, je peux toujours être compétitif face à des gamins de 24 ans, c'est cool non ? Ça me motive, j'adore ça. Je me doute que je ne vais pas rester compétitif encore longtemps face à des tels joueurs et face à de telles longueurs de balle. Il me reste quoi ? Trois ou quatre ans, tout au plus. Bien sûr, on peut toujours se dire que Phil a réussi à gagner un Majeur à 51 ans, ce qui en soi est aussi une gigantesque source d'inspiration.