Mathieu Santerre, coach de plusieurs joueurs sur le Tour Européen et le Challenge Tour. (DR)
Mathieu Santerre, coach de plusieurs joueurs sur le Tour Européen et le Challenge Tour. (DR)

Santerre, la force tranquille

À 42 ans, Mathieu Santerre fait partie de la nouvelle génération d'entraîneurs français à marcher dans les pas des Ducoulombier, Léglise ou Alberti. Cet homme discret nous livre quelques-uns de ses secrets.

Mathieu Santerre, un nom qui revient de plus en plus dans le paysage du golf français. Le Parisien de 42 ans a beau être discret, difficile de rester caché aujourd'hui. De Romain Langasque à Martin Couvra en passant par Antoine Rozner et Adrien Saddier, ils sont de plus en plus nombreux à s'attacher ses services.

Jusqu'ici, Matthieu Santerre mettait toute son énergie à faire émerger les meilleurs amateurs tricolores sous l'égide de la Fédération française de golf. Installé à Antibes (06), il a coaché tour à tour, pendant 16 ans, les jeunes du Pôle Espoir (-16 ans) puis l'équipe de France Boys (-18 ans) avec à la clé deux sacres européens par équipe en 2016 et 2019.

Aujourd'hui, à 42 ans, et après des années de bons et loyaux services, la mission de Santerre à la FFG a pris fin, marquant pour lui le début d'une nouvelle histoire. À plein temps désormais, ce passionné de littérature accompagne au plus près les pros comme Romain Langasque, Martin Couvra et le talentueux Maxence Giboudot. Il collabore aussi avec Antoine Rozner ou encore Adrien Saddier. Et ce n'est que le début.

Une suite logique pour celui qui n'était pas prédestiné à coacher mais qui s'est donné les moyens d'y arriver. « Je n'ai pas fait de carrière dans le haut niveau, j'ai un bac scientifique, un Deug en biologie et psychologie... Mais j'ai tous mes diplômes d'entraîneur, et je suis surtout un vrai passionné qui aime apprendre et enseigner aux autres, tout simplement. Je vis pour ça », martèle-t-il calmement.

Méthode Santerre

Le calme, c'est justement ce qui définit le mieux ce père de famille, timide de prime abord. « Au début on pourrait croire qu'il est froid, glisse Martin Couvra, 21 ans, 12e du Challenge Tour. Mais en réalité quand on le connaît, c'est quelqu'un de très joyeux et positif. Il m'apporte beaucoup parce que de mon côté, j'ai ce tempérament fougueux et il me recadre bien quand il le faut. Il est surtout très investi, tout est cadré, il sait cibler parfaitement les points à corriger. Il se trompe rarement. »

Entre deux averses au golf de Cannes-Mougins, Santerre a réuni Martin Couvra, Maxence Giboudot et Romain Langasque pour une journée d'entraînement. La veille, Antoine Rozner était de la partie. Puiser l'énergie de la force du groupe pour faire émerger les talents, voilà l'un des leviers de la méthode Santerre.

« Il a une faculté exceptionnelle à composer une journée d'entraînement dynamique, analyse Couvra. En travaillant un peu tous les compartiments du jeu, il nous donne des exercices qu'il invente où l'on retrouve différents niveaux de difficultés et intensité. C'est génial parce qu'à la fin de notre journée, on est passé par toutes les émotions. Des exercices très difficiles et éprouvants nerveusement, d'autres plus ludiques et reposants. »

Santerre fait partie de la nouvelle génération de coaches, au même titre que les Franck Lorenzo Verra ou Jean-François Lucquin, amenée à marcher dans les pas des Ducoulombier, Léglise et Alberti.

« Je suis allé chercher les services de Mathieu parce que je sentais qu'il me manquait quelque chose, confesse Antoine Rozner. Je travaille depuis sept ans avec Benoît Ducoulombier, il me connaît par coeur et a un oeil exceptionnel. En 10 balles, il cerne le problème. Mais je ressentais le besoin d'avoir quelque chose de plus poussé, perfectionné, scientifique peut-être. Je voulais m'appuyer aussi sur des données et un plan d'entraînement bien dessiné pour savoir pourquoi je fais tel ou tel exercice et ce que je vais corriger. Pour ça, Mathieu est un excellent architecte et j'ai un bon mix aujourd'hui entre Benoît et lui. »

Aucune révolution en vue donc. Plutôt une évolution. Douce. « Oui, on s'appuie sur des data, des outils comme le TrackMan ou autre, mais je me suis toujours donné une règle : continuer de coacher "comme un vieux coach". Je pense que c'est la clé », avoue-t-il avant de préciser : « C'est très important d'avoir un maximum de données pour diagnostiquer au mieux ce dont a besoin le joueur. C'est comme chez le médecin, il faut être précis pour bien soigner les maux et ne pas en créer de nouveaux. J'ai créé un logiciel de stats qui permet de récolter pour mes joueurs les paramètres que je juge importants et significatifs, qu'on ne retrouve pas ailleurs. Mais je me suis aussi rendu compte que le piège de cette démarche, c'est de compliquer le coaching ! Je suis un scientifique et parfois, le joueur lui-même peut vouloir m'emmener sans faire attention sur des choses compliquées... ».

Lecture et travail collectif

Calme, posé, l'homme s'appuie sur une mécanique de groupe bien huilée dont il puise les idées aussi dans les livres. « J'adore lire... Je m'inspire des meilleurs dans tous les sports. Avant les Championnats du monde amateurs par équipes en 2022, j'ai dévoré le livre de Claude Onesta (ancien entraîneur de l'équipe de France de handball) pour comprendre la façon dont on tire le meilleur en travaillant non pas individuellement, mais ensemble. D'ailleurs je fais très attention à l'équilibre du groupe lors des séances d'entraînement. C'est aussi une question de tempérament. Je ne serais pas sûr d'accepter d'entraîner un joueur s'il n'était pas compatible avec les autres », confie-t-il.

Depuis de nombreuses années, Santerre a su se mettre également au service du joueur et de ses attentes. Peu importe le secteur de jeu en se fondant parfois volontiers dans un collectif déjà existant : « J'ai eu la chance d'accompagner Alex Levy pendant deux ans lors de son passage avec Sean Foley. J'ai fait la même chose avec Romain (Langasque) quand il était avec Mike Walker. Aujourd'hui je travaille aussi avec Antoine Rozner et Adrien Saddier pour ce qui est de la performance en les laissant continuer la technique avec Benoî Ducoulombier. Je suis quelqu'un qui s'adapte très facilement et c'est aussi pour ça que les joueurs me sollicitent de plus en plus », estime-t-il.

« Je pense qu'il a beaucoup appris des autres coaches qu'il a côtoyés et aujourd'hui il est légitime grâce à l'expérience qu'il a accumulée, assure Langasque. Quand j'avais Mike Walker en coach, il faisait le relais sans toucher à ma technique. C'était le deal et c'était carré. C'est quelqu'un qui respecte le cadre de travail qu'on lui donne. Derrière, il sait convertir les idées en exercices plus ludiques et rythmés à l'entraînement, il est très bon. On bosse en groupe mais ça n'empêche pas qu'on puisse avoir chacun notre temps en individuel pour bien régler ce qu'il faut. Il a aussi une approche psychologique intéressante. Il coche vraiment toutes les cases », constate Langasque qui cherchait aussi à retrouver l'émulation collective des entraînements qu'il avait connue en Pôle plus jeune. « Il se donne à 200 % », constate l'Azuréen.

Au point que Santerre, passionné de lecture, n'a plus le temps de dévorer les bouquins. « Maintenant, je les écoute en audio en permanence, en voiture ou en déplacement », sourit celui qui attaque pour la quatrième fois l'ouvrage philosophique de Ryan Holiday L'obstacle est le chemin1 au titre significatif. « Je le relis parce que c'est important aussi personnellement de se rappeler certaines choses. De la même façon qu'un golfeur peut parfois dévier techniquement sans s'en rendre compte au fil des tournois, il faut aussi que le coach sache faire ce rappel mental de temps en temps. »

Son rêve ? « Coacher en Ryder Cup et avoir des joueurs dans les deux camps pour devoir faire face à un choix cornélien. »

Certainement le scénario d'un livre à succès. Mais Mathieu Santerre n'écrit pas encore. Si ce n'est sa propre histoire.